Les gardiens de phare, membres de l'AFPC à Terre-Neuve et Labrador sont en danger de perdre leurs emplois

Dans un éditorial publié le mercredi, 14 octobre 2009, dans The Telegram, VPER Jeannie Baldwin décrit le travail important des gardiens de phare et le fait que leurs emplois sont en danger.

The Telegram (St. John's)
Éditorial, le mercredi 14 octobre 2009, p. A6

Les phares et la sécurité maritime

Jeannie Baldwin

Les gens qui ont l'habitude de lancer des avertissements et d'être à l'affût du danger sont très sceptiques à l'égard de la déclaration de Gail Shea, ministre fédérale chargée de la Garde côtière canadienne, publiée le 30 septembre selon laquelle elle a suspendu un plan controversé visant à automatiser les phares de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve-et-Labrador. La ministre a demandé une étude, et aucun gardien de phare ne perdra son emploi pendant que l'étude sera réalisée. L'Alliance de la Fonction publique du Canada, qui représente les gardiens de phare, se réjouit de la suspension du plan, mais ne se sent par pour autant entièrement rassurée, et ce, pour diverses raisons.

Il est évident que le bureau de Gail Shea a été inondé de plaintes – la ministre a fait savoir que des inquiétudes lui ont été signalées par de nombreux intervenants. Le gouvernement ne veut pas de mauvaise publicité. Mais au lieu de dire que le plan pour automatiser les phares est un mauvais plan et de l'abandonner, la ministre demande plus de renseignements sur ce qu'elle appelle « les services additionnels fournis par les gardiens de phare ». Si l'étude montre qu'il faut du personnel sur place pour assurer les services, le ministre Shea a dit qu'elle formulerait « des recommandations en ce sens ».

Nous craignons que la supposée étude ne soit qu'une manœuvre dilatoire et que les gardiens de phare ne finissent pas être déplacés comme c'était prévu au départ. Les phares seront alors automatisés et laissés vides.

Notre crainte vient du fait que la Garde côtière canadienne s'apprêtait à retirer les gardiens de tous les phares même si elle connaît déjà très bien les services additionnels qu'ils rendent. Des registres sont tenus, et les incidents sont signalés. Avant que l'installation d'équipement automatisé dans les phares ne devienne la norme, la contribution des gardiens de phare était fièrement soulignée dans les rapports annuels. Maintenant que les gestionnaires de la Garde côtière veulent justifier la pleine automatisation des phares, ils veulent faire abstraction des nombreuses bonnes actions des gardiens de phare. Peut-être devons nous rappeler un cas (parmi tant d'autres) où les « services additionnels » de ces derniers ont sauvé des vies.

Un matin de janvier 1992, les deux gardiens du phare de Green Island, dans la baie Fortune, ont entendu l'appel au secours de trois personnes qui s'accrochaient aux rochers d'une petite île près du phare. Ils sont immédiatement partis à leur recherche en bateau. Trois hommes et un garçon de Saint-Pierre, une île française avoisinante, chassaient les oiseaux de mer lorsque leur embarcation a subi des dommages et a chaviré lorsqu'ils ont tenté de gagner le rivage. Un des hommes s'est noyé. Les trois autres personnes ont réussi à grimper sur une corniche de la falaise. Les gardiens de phare ont été les premiers à arriver sur les lieux et ont secouru les trois personnes en difficulté.

L'étude démontrera qu'il arrive régulièrement que les gardiens de phare, dans leurs interactions quotidiennes avec les marins et les pêcheurs, transmettent des renseignements ou prennent des mesures qui ne font pas partie de leur description de travail. Au phare de Green Island, dans la baie Trinity, ils agissent comme pilotes non officiels pour diriger les capitaines de chalutier qui ne connaissent pas bien le port de Catalina. À Puffin Island, dans la baie Bonavista, ils communiquent régulièrement avec un navire de collecte de poisson qui a besoin de renseignements sur les vents et les marées lorsqu'il navigue dans la baie parsemée d'îlots. Pendant la chasse au phoque, les capitaines leur demandent des rapports sur le mouvement des glaces. Le mois dernier, des gardiens de phare ont remorqué un pêcheur dont le bateau était tombé en panne.

Nous voulons savoir qui fera l'étude des services additionnels, combien de temps il faudra pour réaliser cette étude et si les résultats seront rendus publics.

Bill Broderick, de l'Union des pêcheurs de Terre-Neuve qui représente 10 000 pêcheurs côtiers et hauturiers de la province, a fait savoir que son syndicat a été informé du plan de la Garde côtière à l'occasion d'une conversation téléphonique avec un gestionnaire de la Garde côtière il y a quelques mois.

Nous nous inquiétons aussi du fait que l'étude ne prévoit pas de véritables consultations publiques. Les séances « d'engagement » auxquelles la Garde côtière a invité des « représentants de ses principaux clients » peuvent être manipulées de manière à donner des résultats qui favorisent l'automatisation des phares.

Pourquoi ne pas tenir des séances de consultation publique dans les localités de pêche où les services fournis par les gardiens de phare sont bien connus et bien compris? Pourquoi prévoit-on sept séances dans les Maritimes pour discuter les effets de la « modernisation » des aides à la navigation et que la seule séance qui devait avoir lieu à Terre-Neuve a été annulée? Et quels inconvénients y a-t-il à avoir du personnel dans les phares même s'ils ont des lumières et des cornes de brume automatisées. Pour les milliers de pêcheurs qui gagnent leur vie en mer, c'est un avantage intangible, mais bien réel.

Pour les gens qui font un travail dangereux et difficile en mer, il est réconfortant de savoir qu'il y a un gardien de phare en service, qu'il est au courant des conditions météorologiques et maritimes et qu'il sonnera l'alerte s'il ne voit pas revenir un bateau qu'il a vu prendre la mer plus tôt.

Nous sommes-nous laissés éblouir par la technologie au point de douter de l'importance de pouvoir compter sur une personne qui surveille et qui est prête à vous secourir en cas de danger? Posez-vous la question suivante : Si vous étiez en difficulté en mer, que préfériez-vous voir sur Puffin Island – une tour remplie du plus récent matériel technologique ou un gardien de phare observateur et bienveillant?

Jeannie Baldwin est la vice-présidente exécutive régionale de l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour la région de l'Atlantique

Publié le 12 octobre 2009 à 20 h 47 | Mis à jour le 12 octobre 2009 à 20 h 49

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